Page 5 - NOEL A LA COUR DE VERSAILLES
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argent, soie, des poupées, sucrerie, et toutes sortes de choses. On met sur ces
                     tables des arbres de buis, et à chaque branche on attache une petite bougie : cela
                     fait le plus joli effet du monde.’’
               La tentative de Madame est un échec, comme elle l’avoue à Sophie de Hanovre dans une
               lettre de janvier 1711, après avoir une fois encore évoqué ses souvenirs : ‘‘ Ici on ne connaît
               rien de tout cela. J’ai voulu l’introduire, mais Monsieur disait : Vous nous voulez donner de vos
               modes allemandes pour faire de la dépense.’’
               Et ce n’est certainement pas la très catholique Madame de Maintenon qui allait soutenir la
               coutume païenne de sa pire ennemie…
               La légende veut que Marie Leszczynska, à son arrivée en France, réussisse enfin à implanter
               la coutume en faisant décorer un arbre au château de Versailles. La chose paraît improbable.
               Aucune source fiable ne semble confirmer ce fait.
               L’un des principaux courtisans de la reine et grand mémorialiste du temps, le duc de Luynes,
               n’en fait pas mention. Pas plus que le duc de Cröy dans son fabuleux Journal, ni même la presse
               de l’époque.
               Un tel événement, totalement incongru, ne serait pas passé inaperçu !
               Mais sous Louis XV, c’est une autre sorte de reine, une reine de cœur (bien Française celle-ci
               !) qui donne le ton : la marquise de Pompadour.
               Il faut en réalité attendre la venue d’une autre princesse allemande pour voir cette tradition
               se populariser à la Cour. Hélène de Mecklenbourg arrive en France en 1837 pour épouser le
               duc d’Orléans, fils aîné du roi Louis-Philippe. Elle garde un souvenir merveilleux des Noëls
               passés  dans  sa  famille,  lorsque  ses  parents  et  ses  frères  et  sœurs  se  réunissaient  à
               Friedensbourg  autour  du  sapin  pour
               s’échanger       leurs      présents…
               Le lendemain de Noël 1837, le premier
               qu’elle  passe  en  France,  la  duchesse
               d’Orléans écrit à sa mère, ravie :

                     ‘‘La veille de Noël, la bonne reine
                     [Marie-Amélie    de    Bourbon]
                     m’avait  procuré  une  surprise,  en
                     faisant garnir secrètement un bel
                     arbre qu’on plaça dans mon salon
                     blanc,  pour  qu’il  me  rappelât
                     l’Allemagne.’’

               Une  tradition  qui  semble  s’installer
               dans  le  cercle  de  la  famille  royale,
                              er
               puisque  le  1   janvier  1844,  alors
               qu’Hélène est déjà jeune veuve après la
               mort  accidentelle  de  son  époux,  elle
               écrit de nouveau à sa mère :
                     ‘‘Nous  avons,  comme  autrefois,
                     terminé l’année chez le roi, sous le
                     sapin illuminé. Les enfants ont eu   La duchesse d’Orléans avec le comte de Paris par Hermann
                     une  grande  joie  de  leurs        Goldschmidt d’après Winterhalter –1848. Fontainebleau
                     cadeaux.’’


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