GUSTAVE FLAUBERT, BON VIVANT ET GASTRONOME
Le 12 décembre 2021, on fêtera le bicentenaire de la naissance de l’écrivain Gustave Flaubert (1821-1880) qui était un grand gastronome.
‘‘ On mange beaucoup dans les romans de Flaubert ’’ est l’accroche d’un essai du critique Jean-Pierre Richard, Littérature et sensation (1954), qui fit date.
L’écrivain normand, reconnu pour la qualité de ses oeuvres et son investissement total dans l’écriture, cultivait l’art du bien-manger, adorait aller au restaurant et affichait avec gourmandise ses péchés mignons : les huîtres, le boudin et l’andouille ; la cuisine que le célèbre auteur a connue dans son enfance.
Flaubert était aussi un ‘‘bon vivant’’. Si bien que sa littérature témoigne de son plaisir de manger.
Ses romans et même sa correspondance avec George Sand (avec qui il partageait non seulement ses soucis littéraires mais aussi un bon coup de fourchette) sont truffés de références et d’anecdotes gastronomiques, en particulier autour de la cuisine normande, et des plats du terroir.
Retrouvons quelques-uns des passages ‘‘gustatifs’’ de ses ouvrages !
Présent dans Un coeur simple, L’Éducation sentimentale (le potage à la bisque) ou encore Salammbô, le goût de Flaubert pour l’art culinaire se fait surtout entendre dans son chef-d’oeuvre Madame Bovary.
Le banquet du mariage d’Emma et Charles Bovary est la représentation même de l’attachement de l’auteur aux plats traditionnels et normands.
Ne pourrait-on pas reconnaître dans le tableau bucolique (ci-dessous) du peintre et illustrateur Albert-Auguste Fourié : ‘‘ Une tablée de noces à l’ombre des pommiers, la nappe blanche couverte de mets et de carafes’’, la table dressée lors des noces d’Emma et Charles Bovary ?
Flaubert l’épicurien y décrit un banquet incroyablement garni, pantagruélique en un mot :
‘‘C’était sous le hangar de la charretterie que la table était dressée.
Il y avait dessus quatre aloyaux, six fricassées de poulet, du veau à la casserole, trois gigots et, au milieu, un joli cochon de lait rôti, flanqué de quatre andouilles à l’oseille.’’
‘‘Aux angles, se dressait l’eau-de vie dans des carafes. Le cidre doux en bouteilles poussait sa mousse épaisse autour des bouchons, et tous les verres, d’avance, avaient été remplis de vin jusqu’au bord.
De grands plats de crème jaune, qui flottaient d’eux-mêmes au moindre choc de la table, présentaient, dessinés sur leur surface unie, les chiffres des nouveaux époux en arabesques de nonpareille.’’
La bombance de ce repas de Yonville allait ensuite être surpassée, par le faste de la soirée chez le marquis d’Andervilliers :
‘‘Emma se sentit, en entrant, enveloppée par un air chaud, mélangé du parfum des fleurs et du beau linge, du fumet des viandes et de l’odeur des truffes (…). Les pattes rouges des homards dépassaient les plats ; de gros fruits dans les corbeilles à jour s’étageaient sur la mousse ; les cailles avaient leurs plumes, des fumets montaient.’’
Dans Salammbô :
‘‘D’abord on leur servit des oiseaux à la sauce verte, dans des assiettes d’argile rouge rehaussée de dessins noirs, puis toutes les espèces de coquillages que l’on ramasse sur les côtes puniques, des bouillies de froment, de fève et d’orge, et des escargots au cumin, sur des plats d’ambre jaune.
Ensuite les tables furent couvertes de viandes antilopes : avec leurs cornes, paons avec leurs plumes, moutons entiers cuits au vin doux, gigots de chamelles et de buffles, hérissons au garum, cigales frites et loirs confits. Dans des gamelles en bois de Tamrapanni flottaient, au milieu du safran, de grands morceaux de graisse. Tout débordait de saumure, de truffes et d’assa foetida. Les pyramides de fruits s’éboulaient sur les gâteaux de miel, et l’on n’avait pas oublié quelques-uns de ces petits chiens à gros ventre et à soies roses que l’on engraissait avec du marc d’olives, mets carthaginois en abomination aux autres peuples. La surprise des nourritures nouvelles excitait la cupidité des estomacs.’’
Le Salammbô est également une pâtisserie à base de pâte à choux. Le nom de la pâtisserie viendrait de Salambo, un des noms de la déesse Astarté, qui a inspiré le prénom de l’héroïne du roman Salammbô de Gustave Flaubert paru en 1862. Le gâteau rendrait également hommage à un opéra d’Ernest Reyer de 1890.
Dans L’Éducation sentimentale, l’écrivain évoque un menu copieux :
‘‘Comme il avait besoin de se refaire, il se commanda deux plats de viande, un homard, une omelette au rhum, une salade, etc., le tout arrosé d’un Sauternes 1819, avec un romanée, sans compter le champagne au dessert, et les liqueurs.’’
Ce plaisir de la table, il le partage avec ses amis Guy de Maupassant et Émile Zola. Ils aiment ‘‘ripailler’’. Les richesses gastronomiques normandes sont souvent mises à l’honneur avec la volaille, le lait, les pommes…
La République des Lettres (revue littéraire créée en 1634) en rendit compte.
En effet, elle imprime à la date du vendredi 13 avril 1877 :
‘‘Dans un restaurant qui va devenir illustre, chez Trapp, aux environs de la gare Saint-Lazare, six jeunes et enthousiastes naturalistes qui, eux aussi, deviendront célèbres : MM. Paul Alexis, Henri Céard, Léon Hennique, J.-K. Huysmans, Octave Mirbeau et Guy de Valmont,
traitent leurs maîtres : Gustave Flaubert, Edmond de Goncourt, Émile Zola. Un des convives nous a communiqué le menu : Potage purée Bovary ; truite saumonée à la Fille Élisa ; poularde truffée à la Saint-Antoine ; artichauts au Coeur simple ; parfait « naturaliste » ; vin de Coupeau ; liqueur de l’Assommoir. M. Gustave Flaubert, qui a d’autres disciples, remarque l’absence des anguilles à la Carthaginoise et des pigeons à la Salammbô ’’.
Texte proposé par Solange Bouvier
(D’après une suggestion de Denise Régis, sociétaire)
Source : textes et photos
Livre A la Table de Flaubert de Valérie Duclos (2020)
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