A PROPOS DES COUTUMES DU NOUVEL AN

    Les coutumes du jour de l’an sont très anciennes. Etrennes, cadeaux, visites, échanges de souhaits.

    On donnait déjà des étrennes chez les Romains. Le peuple était même tenu d’en apporter ce jour-là au palais de l’empereur. Ces cadeaux se faisaient en numéraire. C’était une manière d’impôt.

    Et l’on raconte que Caligula – troisième empereur romain, qui régna de 37 à 41 – , qui n’avait point confiance dans ses percepteurs, se tenait, le Premier jour de l’an, dans le vestibule de son palais et recevait des mains de ses sujets les étrennes qu’il empilait dans des coffres placés à côté de lui.

    Etrennes royales

    Cette mode est plus florissante que jamais aux temps somptueux du Moyen Age.

    A la cour des ducs de Bourgogne, à Bruges et à Gand, on échange force cadeaux précieux.

    A Paris, l’affluence des acheteurs se presse dans la célèbre galerie des merciers, au Palais, où tous les marchands d’objets de luxe et de jolies bagatelles ont leurs comptoirs.

    On trouvait là à foison, joyaux d’or et d’argent, tissus du Levant, parures pour les femmes et les jeunes filles, tapisseries, épées, dagues et poignards, ceintures et boucles, sans compter tous les jeux : les échecs, les dés, et, pour les petites filles, des poupées habillées aussi richement que des princesses.

    Les cadeaux du Jour de l’An

    Les cadeaux du Jour de l’An

    Les souverains eux-mêmes étaient généralement grands donneurs d’étrennes.

    A la cour de Louis XIV, c’était une vraie folie. Les cadeaux n’étaient pas distribués le jour de Noël comme aujourd’hui, et l’on recevait, à la Cour, sous l’Ancien Régime, des présents pour le jour de l’an et à Pâques.

    Le roi distribuait assez généreusement de nombreux cadeaux parmi lesquels figuraient des tabatières en or commandées préalablement par l’administration des Menus-Plaisirs auprès des grands orfèvres parisiens.

    L’année où les ambassadeurs siamois vinrent en France – c’était en 1686 – on vit, le 1er janvier, à la cour, un véritable débordement de cadeaux.

    Les envoyés du Siam avaient apporté au roi force merveilles de l’art de leur pays : cabinets de laque incrustés d’écaille et de métaux précieux, vases, aiguières, coupes, flacons d’or et d’argent, paravents de soie, tapis brodés, porcelaines, bronzes, canons ciselés et damasquinés. Il avait fallu plusieurs chariots pour transporter de Brest à Paris tous ces présents.

    Louis XIV distribua autour de lui ces innombrables cadeaux.

    Les ambassadeurs du Siam et leur interprète
    Huile sur toile de Jacques Vigoureux Duplessy
    Vers 1721

    Toute la cour, jusqu’aux plus modestes officiers et aux plus humbles filles d’honneur, eut part à ses largesses.

    C’était le temps de l’abondance, de la grandeur et de la prospérité.

    Ainsi, Madame de Montespan, favorite de Louis XIV, reçut de belles étrennes en 1679 : une coupe d’or, deux gobelets d’or…

    Mais vinrent les dernières années du règne : 1710, les armées vaincues, la France envahie, la misère par les campagnes, la famine à Paris, et le vide dans les caisses de l’Etat.

    Offrande à la patrie

    Philippe de Courcillon, marquis de Dangeau – militaire, diplomate et mémorialiste français, connu surtout pour son Journal où il décrit la vie à la cour de Versailles à la fin du règne de Louis XIV – écrit à la date du mercredi 1er janvier :

    « Le roi, dit l’historiographe, n’a point pris, cette année, trente ou quarante mille pistoles qu’on avait accoutumé de lui donner du trésor royal pour ses étrennes (…)
    Il n’a point donné d’étrennes à la famille royale, comme il avait accoutumé de le faire (…) Il a défendu aussi à la ville de donner des étrennes ».

    Louis XIV, cette année-là, dut être bien éprouvé de ne pouvoir faire autour de lui les cadeaux traditionnels du nouvel an.

    Dangeau dit encore que les courtisans offrirent leur vaisselle d’argent au roi et que le roi décida de faire fondre sa vaisselle d’or. Il déclara ‘‘qu’il ne voulait plus rien prendre sur le peuple’’, et que, s’il trouvait à engager les pierreries de la couronne, il le ferait.

    Ainsi, la vaisselle d’or et d’argent, les cadeaux de naguère s’en furent à la Monnaie pour être convertis en numéraire.

    Les courtisans rendaient leurs étrennes au roi. Et le monarque lui-même y envoyait non seulement sa vaisselle, mais jusqu’aux cadeaux précieux qu’il avait reçus pour étrennes en son enfance, de petits canons d’or et toute une armée de jolis soldats en argent dont s’étaient amusés les princes, ses enfants et petits-enfants.

    Les bourgeois de Paris imitèrent le roi et les princes et envoyèrent aussi leur vaisselle précieuse à la Monnaie, car, dit encore Dangeau, ‘‘qui eût osé manger dans de la vaisselle d’argent, quand le roi n’y mangeait plus ’’ ?

    Les cadeaux du Jour de l’An

    Il y eut alors une année où l’on s’offrit d’étranges étrennes.

    Ce fut en 1709, l’année du ‘‘Grand hiver’’. Il faisait un froid terrible. La Seine étant gelée et les bateaux ne pouvant arriver à Paris, on avait manqué de combustible.

    On trouva de bon ton et plaisant de s’envoyer en étrennes de petits fagots de bois.

    Mais tout recommencera sous les rois louis XV et Louis XVI…

    Au 1er janvier 1871, pendant le siège de Paris, on se fait aussi des cadeaux utiles.

    On envoyait alors à ses amis, au lieu de fondants, de chocolats et de marrons glacés, un petit pain blanc, des pigeons, des volailles, des œufs (ils ne coûtaient alors pas moins de 2,50 francs la pièce, soit le salaire moyen journalier d’un ouvrier !). Et ces étrennes pratiques étaient reçues avec beaucoup de plaisir et de reconnaissance.

    Le compliment du facteur

    L’usage des étrennes s’imposa, plus encore que précédemment, au 18e siècle, époque prodigue entre toutes.

    Déjà, on ne se contentait pas d’échanger des cadeaux entre parents, amis et gens de même condition ; on donnait des étrennes à tous les officieux qui venaient la main tendue, au logis des bourgeois.

    Depuis que, sur l’initiative d’un ingénieux novateur qui s’appelait Piarron de Chamousset, la ‘‘petite poste’’ de Paris avait été créée, les facteurs ne manquaient pas, chaque premier de l’an, d’entrer dans les maisons et de réclamer leur petit pourboire.

    Ils offraient, comme aujourd’hui, à la clientèle, un joli calendrier qui portait, non seulement une image symbolique, mais aussi des vers :

    « Recevez ce petit présent,
    C’est l’étrenne du sentiment.
    Comptez toujours sur un facteur
    Pour vous plein de zèle et d’ardeur,
    Et n’oubliez pas le commis
    De la p’tit’ poste de Paris ».

    Comment aurait-on pu ne pas donner un bon pourboire à des gens qui vous offraient de façon si gracieuse l’étrenne du sentiment  ?

    Cependant, à l’aube de la Révolution, la mode des étrennes eut à subir un rude assaut.

    La Constituante, sur la proposition de Lebrun, qui s’était élevé contre les ‘‘désordres qui se renouvellent au 1er janvier dans diverses administrations à l’occasion des étrennes’’ élabora un projet de loi contre les employés qui en demandaient.

     

    Ce projet décrétait :

    « II ne sera permis à aucun agent de l’administration, ni à aucun de ceux qui, en chef ou en sous-ordre, exercent quelque fonction publique, de rien recevoir à titre d’étrennes, gratifications, vin de ville, ou sous quelque autre dénomination que ce soit, des compagnies, administrations de province, villes, communautés, corporations ou particuliers, sous peine de concussion…« .

    En 1793, un autre édit, de la Convention, cette fois, supprimait les étrennes. Mais, la Révolution, qui avait eu raison de toutes les pratiques de l’Ancien Régime, ne put vaincre celle-là.

    Traditions immuables

    Par la suite, l’usage des étrennes se généralisa, gagna toutes les classes de la société ; il résista à tous les cataclysmes, se perpétua à travers les circonstances les plus tragiques. Et, somme toute, les coutumes du jour de l’an demeurent aujourd’hui à peu près les mêmes qu’au temps jadis. Il est des traditions immuables qui traversent les âges sans presque se modifier.

    Au début du 19e siècle, on chantait, au Caveau, sur le jour de l’an, un couplet qui disait :

    On se pare, on se tourmente,
    L’un chez l’autre on se présente,
    L’un l’autre on se complimente,
    Et presque toujours on ment
    Ah ! l’beau jour que l’jour de l’an !

    Sans doute, se fait-on moins de visites aujourd’hui qu’à cette époque-là.

    On a moins de temps à perdre. La vie est plus fiévreuse, dirons-nous !

    Il paraît que les Parisiens, naguère, même quand ils se connaissaient à peine, ne pouvaient se rencontrer le premier de l’an, sans se congratuler et s’embrasser.

    Nicolas Mercier de Poissy, pamphlétaire à la fin du 18e siècle, se moque de cette furie d’embrassades.

    Aujourd’hui, on ne s’embrasse plus guère quand on se rencontre, pandémie de Covid oblige, mais on se congratule toujours… « Bonne année, bonne santé ! »

    Texte proposé par Solange Bouvier

    Sources et photos : La France Pittoresque – Internet

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